La pensée de l’écriture : sur les didascalies proustiennes

“Mettre en son temps”
Marcel Proust, Esquisses de la Recherche du temps perdu

“Ce que je mets ici est pour venir plus loin pendant la représentation”.[1] Cette phrase de l’Esquisse IV de Sodome et Gomorrhe pourrait être interprétée comme une note de travail adressée par l’écrivain à soi-même, un « memorandum » à usage interne – l’auteur aurait eu une idée à introduire à un moment donné dans un texte racontant une représentation d’opéra. Cette idée est restée en dehors des éditions courantes du roman, nous étant parvenue par la lecture des Esquisses proustiennes, recueillies par les auteurs de l’édition 1987-1989 de la Recherche du temps perdu dans la Collection « Pléiade ». Mais la phrase en question est également une métaphore de l’écriture proustienne, car le roman est le discours d’un écrivain à propos de lui-même, formant et déformant un texte qui affirme sa présence problématique dans l’espace - “ici”, “plus loin” - comme dans le temps – de nouveau “plus loin” et “pendant”. Cette situation du texte proustien sur les deux coordonnées est rendue problématique précisément par le positionnement de l’écrivain par rapport à son texte. D’abord, “je” est “ici” ; ensuite “je mets ici” afin que “ce” arrive plus loin (il faut lire : plus tard) pendant la représentation du monde, dont “je” se charge. A noter que le “je” n’est jamais dérouté tant qu’il se tient à ces coordonnées : ce qu’il écrit ici arrivera plus loin, à un moment précis de la représentation. Le “je” sait d’avance où “ce” qu’il met “ici”, viendra “plus loin”. C’est un masque que l’écrivain porte afin de couvrir son jeu à tout moment : “je” suis “ici”, c’est-à-dire dans le présent et la présence de l’espace fictionnel que “je” crée, mais je sais exactement ce qui viendra “plus loin”.

Cette inscription dans l’espace et le temps de la fiction réussit un ancrage remarquable de solidité, sans éliminer une certaine flexibilité. Car, dans le jeu des textes proustiens, un balancement continuel se révèle : être ou ne pas être dans la fiction. A l’aide de cette hypothèse vient un attribut proustien, la mobilité des textes : des ajouts, des coupures, la possibilité de créer ou de supprimer des paragraphes – et tout cela est scrupuleusement noté et annoté par l’auteur. La lecture des Esquisses dévoile un Proust qui habite sur le lieu où surgit l’émotion créatrice. Il se tient à l’écoute de l’inspiration et plonge dans le récit de son “je” narratif tout en n’oubliant jamais de tenir au courant le “je” auctorial sur les événements contribuant à la production effective du texte, par des notes, des injonctions auto-adressées, voire des encouragements ou des autocritiques. L’écrivain porte avec soi les émotions éprouvées et les réflexions faites à la suite de son écriture, de même que le lecteur est constamment marqué émotionnellement par la lecture.

Le Proust des Esquisses est le lecteur primordial de la Recherche du temps perdu. Il a le pouvoir de s’impliquer directement dans le texte, pour y opérer des modifications censées l’améliorer, mais il a aussi le loisir de s’en détacher, y apporter des remarques critiques. Ainsi l’auteur des Esquisses se délègue-t-il d’abord en tant que narrateur, se projette dans sa propre fiction, et s’affirme ensuite en tant que premier lecteur. Les indications, jusqu’à un point ressemblant aux didascalies théâtrales, qu’il scribouille dans les cahiers-brouillons de la Recherche sont aussi bien des indications d’écriture comme des conseils de lecture. Le rapport qu’entretien Proust avec son écriture est ainsi rendu, paradoxalement, plus clair tout en se compliquant davantage. C’est l’écrivain qui s’écrit – en dehors de tout geste autobiographique -, qui se lit pour se corriger, qui, en fin, se corrige après s’être lu. Cette supra-stratification des écritures proustiennes se révèle avec une puissance qui n’est accessible qu’après la lecture des Esquisses. D’autant plus que la découverte en est faite – Proust aurait été amusé par l’ironie – dans une série de fragments possibles, c’est-à-dire qui n’ont pas le statut d’un soi-disant texte accompli.

Le mouvement de va-et-vient - dans le roman et hors du roman – des Esquisses et des autres variantes de la Recherche du temps perdu n’est pas pour autant un signe de confusion ou d’insécurité : Proust a le contrôle permanent sur ses textes et cela devient manifeste grâce aux didascalies, composées à son intention (et, peut-être, destinées aussi à d’éventuels éditeurs d’après sa mort). Dans les Esquisses il y a une véritable obsession de la précision des termes : "A propos des invertis. Chez certains, bien rares, le mal n’est pas congénital *(mettre le mot exact)" . [2] La note de l’édition de la Pléiade nous explique que Proust avait initialement écrit que le mal n’est pas "toujours de naissance, ce qu’il a remplacé par "congénital". Nous avons ainsi la certitude que la correction qu’il s’était proposé de faire ("mettre le mot exact") a été effectuée.

Les esquisses proustiennes font sans doute partie du roman et doivent se lire en conséquence, ne fut-ce que parce qu’elles introduisent des personnages qui n’apparaissent pas dans les autres éditions. Dans l’Esquisse IV, la digression sur l’inversion est mise en scène sous un autre angle que dans le début connu de Sodome et Gomorrhe. Le héros se rend à l’Opéra, où il espère retrouver la princesse de Guermantes. Il y surprend M. de Gurcy endormi et découvre en lui une femme. La scène est longue et donne l’occasion à des mots admiratifs pour la musique de Wagner et, de temps en temps, l’écrivain interrompt son discours afin de s’adresser des indications à soi-même : "Quel malheur qu’aux qualités que cette finesse des traits révélait il joignît tant d’étrangetés déplaisantes, de prétentions à la virilité excessive *(dire mieux)* de médisance, d’arrogance, de susceptibilité, d’incohérence […]" [3] Dans l’énumération, il n’y a qu’un seul terme dont Proust n’est pas content, encore ne sait-on pas bien si c’est le substantif ou l’adjectif qui le dérange. Qu’un écrivain se fasse des notes adressées à soi-même (portant sur des changements de mots ou sur des rocades entre certains fragments) n’est pas vraiment inattendu. Mais, chez Proust, ces véritables “post-it” (paperoles) sont intercalées au texte même de son écriture. La fiction et le métalangage de l’écrivain au travail se superposent et se confondent, grâce aussi au jeu du “je” :

Précisément un moment après cherchant des yeux si je voyais la princesse de Parme j’aperçus M. de Gurcy, je me dis voilà M. de Gurcy, *(pour le membre de phrase, voir ce que j’ai mis dans le recto correspondant tout en maintenant pour tout ce qui ne s’y trouve pas ce qui est là)* avec qui je suis revenu bras dessus bras dessous il y a bien un mois […][4]

Le cas le plus intéressant à étudier quant aux Esquisses porte sur la frontière entre le texte publié et le fragment potentiel. En mettant bout à bout texte final et texte possible, tout en respectant les indications de Proust, l’on peut arriver à des conclusions importantes concernant le mécanisme et la stratégie d’écriture. "Dès le début de cette scène une révolution, pour mes yeux dessillés, s’était opérée en M. de Charlus, aussi complète, aussi immédiate que s’il avait été touché par une baguette magique. " La phrase suivante, "Jusque-là, parce que je n’avais pas compris, je n’avais pas vu" [5] , est assez sibylline pour que le lecteur ne comprenne pas non plus l’ampleur exacte de la découverte. Ceci est le rôle du texte de l’Esquisse IV, marqué par Proust avec un "Capitalissime", où la révélation, que le narrateur appelle révolution, de Charlus-comme-femme, est explicitée :

Jusqu’ici un être mystérieux attaché à M. de Charlus et qui pourtant faisait corps avec lui m’était resté caché par ce pouvoir mystérieux qu’avaient les Dieux et qu’ont les mortels de passer invisibles au milieu de nous. Oui nous ne voyons qu’une fois que nous avons compris, il faut que la raison ait dessillé les yeux pour qu’ils voient. Jusque-là nous ne verrons ni la bosse, ni le goître. Après cela nous ne verrons plus qu’eux […] Brusquement tout ce qui accompagnait M. de Charlus et que je n’avais jamais vu me devint visible. La matière fluide brusquement cristallisée passait à l’état solide, le dieu vaincu devenait un homme dont on pouvait se saisir. J’avais rompu l’enchantement en prononçant les paroles fatidiques : “On dirait une femme”. [6]

Il semble que Proust ait supprimé ce passage pour des raisons stylistiques. En effet, ce fragment d’Esquisse présente des particularités intéressantes quant à la longueur inhabituellement réduite des phrases. L’aspect de sentence n’est pas caractéristique à Proust, d’autant moins au beau milieu d’un incipit – qui est celui de Sodome et Gomorrhe – fortement théorique et analytique d’un sujet délicat, notamment l’inversion, l’hypostase de l’homme-femme. Pourtant, le contenu de la révélation est "capitalissime", mais Proust choisira une forme plus énigmatique pour le texte que nous lisons comme final, une version qui fait recours à la mythologie ("Ulysse lui-même ne reconnaissait pas d’abord Athénée" [7] ). En tout état de cause, la version du texte final apparaît comme une revisite de l’esquisse. A part les motifs du “voir” et du “comprendre”, mis en rapport de nécessité mutuelle, il faut remarquer la présence, dans les deux fragments, du participe passé “dessillés”, comme l’insistance sur une conjonction temporelle “Jusque-là” (dans Sodome et Gomorrhe) et “Jusqu’ici” (dans l’Esquisse). Ces répétitions dénotent le caractère inspirateur évident de l’Esquisse : c’est un texte de départ. Qui plus est, à la différence du rôle habituel d’une pareille variante, celui d’inspirer, de servir de fondement pour la création d’une œuvre définitive, l’esquisse proustienne garde la précision et les détails édificateurs qui ne se retrouvent plus dans le texte final. L’esquisse s’avère, dans ce cas, plus limpide et exacte que la variante donnée comme définitive. Les éditeurs de la “Pléiade” ne répondent jamais à la question de savoir si une esquisse ou l’autre devait ou non figurer dans le texte de la Recherche, toujours est-il que dans le cas précis étudié ici se révèle clairement une caractéristique importante de l’écriture proustienne : le brouillon étant exact et détaillé, l’œuvre alors doit tâcher de remettre cela en question, de cacher cette clarté inconvenable dans un brouillard stylistique pour que le lecteur ne soit pas frappé par des sentences et assertions décisives, telles “On dirait une femme. Travestie, sous peine de déshonneur, mais jusqu’à son dernier jour, c’en était une” [8] .

Les Esquisses entrent dans le jeu mirobolant des anaphores thématiques, en proposant, entre autres, une nouvelle variation sur un même thème : la voix des homosexuels. Dans Sodome et Gomorrhe, la sonorité de la voix de M. de Charlus est investie par le narrateur avec une identité sexuelle.

“Combien de fois plus tard fus-je frappé dans un salon par l’intonation ou le rire de tel homme, qui pourtant copiait exactement le langage de sa profession ou les manières de son milieu, affectant une distinction sévère ou une familière grossierté, mais dont la voix fausse suffisait pour apprendre : ‘C’est un Charlus’ à mon oreille exercée comme le diapason d’un accordeur !” [9]

Quelques centaines de pages plus loin, dans un autre contexte, mais avec quasiment les mêmes personnages principaux :

“Mais en entendant M. de Charlus dire de cette voix aiguë et avec ce sourire et ces gestes de bras : ‘Non, j’ai préféré sa voisine, la fraisette’, on pouvait dire : ‘Tiens, il aime le sexe fort !’, avec la même certitude que celle qui permet de condamner, pour un juge un criminel qui n’a pas avoué, pour un médecin un paralytique général qui ne sait peut-être pas lui-même son mal mais qui a fait telles fautes de prononciation d’où on peut déduire qu’il sera mort dans trois ans” [10]

Dans l’Esquisse IV, le motif est repris, mais avec une modification subtile de perspective :

A propos de la voix de M. de Charlus.* En somme sa psalmodie de certains mots, si caractéristique des homosexuels, ne devait peut-être pas être interprétée ainsi puisque Mme de Marsantes faisait la même modulation sur le mot honneur. [11]

L’ironie du narrateur bat son plein : sous l’apparence d’une prise de position contre la transformation en cliché homosexuel de la voix de M. de Charlus, la preuve soumise est une voix de femme. Ce qui, bien évidemment, ne fait que souligner l’image-type du Charlus-comme-femme, la tante. [12] Si, dans le texte donné comme final de Sodome et Gomorrhe, le narrateur insiste à plusieurs reprises sur le stéréotype de la voix identificatrice de l’homosexualité, l’Esquisse est là pour atténuer le parti pris : “Car comment se reconnaître dans l’interprétation des signes physiques ? J’ai dit qu’on avait tort de prendre un nez juif pour un signe de judaïsme puisqu’il se cabre dans les familles les plus catholiques.” [13]

La critique génétique, qui a longuement débattu le problème de la multiplicité des “je”, s’est à juste titre attaqué au métamorphoses du sujet. [14] L’absence de sujet grammatical en est une, et les Esquisses le font bien voir (l’exergue de ce travail en témoigne). Si le “je” est projeté sur le plan de la narration, comme sur celui de la lecture, les injonctions montrent les tentatives de Proust de s’effacer derrière son écriture. A la fin d’une description de la princesse de Guermantes, une note indique ses papiers de travail comme véritable source documentaire : “Mettre ici ce qui est sur ces feuilles de papier à lettres sur le génie de la famille Guermantes…” [15] . C’est évident que Proust effectue un travail d’écriture parallèle à celle du roman, dont les Esquisses ont un statut d’outil bibliographique. “Beaucoup de ces ensembles étaient de ceux que j’avais entendus à Querqueville. *(Mettre ici le morceau fait dans d’autres cahiers que j’avais eu plus de plaisir à Querqueville quand je distinguais mal les thèmes.)” [16] Un autre exemple dans ce sens est fourni par les notes concernant la véridicité de certaines informations :

La pensée […] que ces joues si prêtes au plaisir allaient se reposer charmantes, respectueuses et craintives, sous leurs lèvres, donnait à sa grâce quelque chose de plus tendre, de plus complexe, de plus riche, comme le goût inimitable de ces miels qui sont faits de plusieurs espèces de fleurs *(vérifier). [17]

En même temps, l’Esquisse joue un rôle de memorandum en raccourci, lorsque Proust met des notes sur l’insertion de descriptions, le changement de certains noms ou la réorganisation de certains paragraphes. Voilà une indication concise, comme un ordre, rappelant qu’il faut introduire les détails d’une description : “Une fois Montargis me mena en soirée chez lui *(bureau Empire)”. [18] Le sujet se perd donc derrière l’action (exprimée par le verbe), comme derrière les objets qui appartiennent d’ordinaire au domaine spatial. La relation entre les injonctions et “l’essence des choses” [19] est remarquable, contribuant à la genèse de l’œuvre proustienne en ce qu’elle aide à expliquer les phénomènes de morcellement du sujet humain et d’effacement du sujet grammatical.

Parmi les catégories d’utilité pratique des injonctions des Esquisses, la tendance vers l’exactitude est la mieux représentée. Proust arrive à de nombreuses reprises à insister sur l’insertion précise d’un fragment : “Mettre deux ou trois pages plus loin quand la duchesse de Guermantes sera arrivée” [20] ; “Suivre en face à la page précédente” [21] . Cela relève, d’ailleurs, d’une nécessité organique de l’écrivain de s’orienter dans l’espace de son écriture. L’on retrouve des indications par des repères topologiques, sans lesquelles l’écrivain serait aveugle dans son propre espace-papier : “Ce qui est en marge est Capitalissime, surtout l’enclave du milieu” [22] ; “Suivre en marge après la croix” [23] . Non seulement Proust se construit-il une véritable cartographie de son écriture, dont il est le principal géographe, mais il justifie méticuleusement ses choix.

Régulièrement, on tombe sur des renvois aux rectos et versos des feuilles sur lesquelles il écrit, beaucoup de “ci-contre”, “en face”, ou le numéro précis de la page où il faut insérer un fragment ou un autre : “Quatre pages avant au verso, au signe X que je vais mettre, quelque chose du même genre que ce qui est au-dessous et qui est très important aussi mais je n’ai pas la place là” [24] .

Mais l’opération cruciale effectuée dans les Esquisses est la dissociation. Entre le narrateur et l’écrivain s’établit un dialogue. Le dernier s’efforce de comprendre les idées du premier tout en tâchant de les expliciter : “Du moment que j’imaginais la beauté, je voulais l’imaginer m’appartenant, possédée, ses pensées pleines de respect pour moi. *(C’est cela l’idée vraie je crois. Fontainebleau la merveille pour qui je pars, et la merveille avec qui je reviens) *” [25] . Dans le même sens de la dissociation narrative, il arrive que l’écrivain soit content pour les idées du narrateur et qu’il l’en félicite.

Il y avait quelque chose pour moi de vivifiant à sentir ces beautés englobées, à sentir la tenue musculaire de mon organisme moral comme une main fermée *(tr bien)* sur un trésor, au lieu que vainement tendue sans chercher à l’atteindre vers un bien distant. Ce corps ne me semblerait possédé par moi que quand je sentirais que moi, en tant que notion serait possédée, gardée, révérée en lui. L’idée de nous méprisante ou simplement l’absence d’idée qu’a un être est comme une force centrifuge qui tout le temps, même pendant que nous regardons son beau visage, le fait dérailler loin de nous *(t b )*. [26]

Ou bien est-ce la satisfaction de l’auteur pour ses phrases bien tournées ? L’écrivain montre par endroits l’acuité de son nerf critique, sans oublier de le dire s’il est heureux avec une formule ou une simple proposition :

“Ce verso se place 3 lignes avant la fin du recto en face après : nous causâmes. Ou si j’aime mieux à un autre retour du printemps. Antérieur par exemple (là où il y aura besoin d’étoffer. Ici ce n’est guère utile. Mais le morceau en lui-même est excellent”. [27]

En outre, l’écrivain peut aussi critiquer ouvertement les idées du narrateur : “C’est la deuxième page de Saint Mark’s Rest qui m’a fait revoir Venise. C’est lui le livre médiocre dont je parle. Il n’est d’ailleurs pas si médiocre que cela”. [28]

L’écrivain se livre parfois à une espèce de publicité à sa propre intention, que l’on pourrait aussi interpréter, en vue de la dissociation, comme un mot d’encouragement à l’adresse de son narrateur : “Voici la nouvelle chose, capitale”. [29] Proust ne savait pas que cela allait arriver et s’en réjouit sincèrement. C’est le plaisir d’écrire, noté au moment où il est éprouvé et l’effet d’instantanéité créé est bouleversant, surtout chez Proust, dont la réputation est celle d’un écrivain qui fait trop de recherché, trop de surfait. La métonymie subsiste même dans les indications de travail : “A la page suivante je mets encore un mot différent sur les aéroplanes […] Encore aéroplanes : (il y en a de très beaux à la page précédente). Et je vais en mettre de beaux aussi six pages plus loin”. [30] Il s’agit non pas tellement des aéroplanes en tant qu’objets, mais c’est la description qu’il en fait qui est belle. Prendre l’objet pour sa représentation dans l’écriture, voilà un exploit que Proust accomplit même dans ses didascalies.

Une complication de la relation déjà problématique des instances narratives amène l’écrivain dans le temps et l’espace du narrateur et des personnages, par la simple absence d’une séparation syntaxique entre note de travail et texte de fiction :

“Il faudra peut-être dans la fin du livre dire que je n’avais rien éprouvé de plus réel à Cricquebec et auprès de la femme de chambre de Mme Putbus qu’ailleurs […] Mais si ce n’est pas bien à la fin le dire tout de suite en disant seulement : A moins que ce ne fût”. [31]

Se penser dans la fiction : écrire, c’est une communication permanente avec son propre narrateur. “Dire aussi (capital) que rétrospectivement je me demandais si ce que j’avais pris seulement le soir de la princesse de Guermantes avant qu’elle vînt…” [32] ; “Il faudra avoir mis avant quand je la connais” [33] ; “A mettre quelque part quand je commence à aimer Albertine” [34] ; “Mettre quand je suis brouillé avec Albertine (probablement avant la grande brouille) quand je reviens à Balbec. Au milieu d’un tableau où il n’est pas question d’elle” [35] ; “Mettre (capitalissime à l’endroit où cela pourra se placer dans notre vie, bien avant la soirée Verdurin)” [36] .

Ainsi l’écrivain doit-il persuader son narrateur d’accepter ses propositions. Les Esquisses font voir ce dialogue permanent entre les deux instances quelque peu à la manière de Jacques le fataliste. L’écrivain se met occasionnellement dans la position du Maître qui demande à Jacques soit de continuer une histoire, soit de l’interrompre, soit de développer tel ou tel autre aspect d’un récit. L’existence des esquisses et leur mise en valeur dans l’édition de la Pléiade rendent compte de l’extraordinaire dimension dialogique, pluri-stratifiée, au niveau initial de la création romanesque. Le lecteur qui lit les esquisses assiste non seulement à des scènes de cuisine de la création proustienne, mais il est invité, lui-aussi, à rejoindre le groupe écrivain-narrateur-personnage qui s’est introduit dans la fiction tout en restant en deçà de la composition de l’œuvre proprement-dite, dans l’espace et le temps réel de sa production.

Cette identification de l’écrivain avec le narrateur sème la confusion au niveau même des didascalies : “Autre rêve à mettre un autre jour peut-être, par exemple en rentrant de Padoue” [37] . A noter combien une phrase pareille peut jongler, en quelque mots, avec la métonymie (il s’agit de “mettre” non pas un rêve où qu’il soit, mais le récit même de ce rêve), de superposer espace et temps (le récit sera introduit au moment où le texte raconte le retour de Padoue, non pas à ce jour-là) et d’unifier nonchalamment les l’instance auctoriale et l’instance narrative. Cette phrase est exceptionnelle de concision et profondeur, et en cela définitoire de la fiction proustienne.

S’il y a un dialogue permanent entre l’écrivain qui construit le texte et le narrateur qui y est inscrit, l’on peut reconnaître également un dédoublement de l’écrivain lui-même. Les injonctions ont le rôle de lui rappeler de prendre une certaine mesure : ajouter, couper, changer de place, modifier des mots etc. Elles figurent, pour cette raison, un mouvement dialogique entre l’écrivain qui prend la note et celui qui la lira et agira dans le sens indiqué par cette note. Le transfert de pouvoir entre ces deux instances de l’écrivain rend tout d’un coup vertigineux le mécanisme de l’écriture proustienne. Toute une génétique de la trace et de la réminiscence pourrait en être déduite. L’écrivain se crée des points de repère afin de ne pas s’égarer dans l’univers vacillant qu’il a développé. Il y a aussi des points blancs sur sa carte – “A mettre quelque part” ; “A un de ces endroits” [38] - qui sont remplis petit à petit, mais le parcours de l’écrivain d’un endroit à l’autre à l’intérieur de cet univers reste visible et récupérable grâce aux traces qu’il laisse en arrière. Les traces seront, tôt ou tard, découvertes, dans l’espoir de la reconstitution de cette carte : “Quand Saint-Loup me dit adieu (je ne peux pas retrouver où j’ai mis la conversation mais certainement elle est écrite et peut-être dans les petits cahiers Kirby Beard” ; ou bien “J’ai écrit ailleurs sur les journaux, le mettre ici” [39] . Les traces semblent parfois être destinées à être lues par quelqu’un d’autre (un éditeur, vraisemblablement) et se chargent ainsi d’une valeur testamentaire : “Faute de place. Je profite de ce blanc pour dire (et la fin sur le dos du papier collé en face) quand je parlerai de l’impression vraie […]” [40] .

Plus d’une fois, Proust dévoile un des procédés principaux de travail dans les Esquisses : certains fragments doivent être condensés, soustraits dans une seule phrase plus convaincante. “Phrase plus juste pour le morceau ci-dessous à la croix bleue et celui deux pages après qui subsisteront cependant au moins en partie” [41] .

D’autres phrases doivent être gardées telles quelles : “Elstir habitait *(copier ce qui est déjà écrit)*. […] Andrée vint à moi en glissant *(phrase à prendre dans le cahier rouge)*. Albertine poussait de grands cris, riait de ce rire si joli *(phrase écrite)*, je me plaisait infiniment dans ce petit casino…” [42] . Pour d’autres, il s’agit de reformuler, d’améliorer un texte mal-inspiré par des changements stylistiques : “… dans leur salle à manger ou leur salon où se déployait une seconde image d’elle, aussi mondaine, aussi sociable, aussi mondaine que l’autre était rêveuse et isolée *(mal dit)* […]” [43] .

Les injonctions proustiennes présentent un caractère ludique essentiel. Le plaisir du jeu avec les mots est visible, surtout pour ce qui est du mot fétiche des Esquisses : “Pour mettre quand elle est là et que je suis calmé (capitalissime)…” ; “Toute cette fin est KAPITALE” [44] ; “Kapitalissime” [45] ; “Capitalissimus” [46] ; “Capitalissimum” [47] ; “Capitalissime, issime, issime” [48] ; “Capitalissime, issime, issime de peut-être le plus de toute l’oeuvre : quand je parle du plaisir éternel de la cuiller, tasse de thé etc. = art” [49] . Les didascalies des Esquisses ont, d’ailleurs, une dose importante d’humour. Les jeux de mots en témoignent, comme cette petite phrase qui revient à plusieurs endroits, avec des variantes, et qu’on croirait tirée de la fin de Bouvard et Pécuchet : “Copier, c’est écrit” [50] .

L’écrivain respecte le temps de la fiction : “Pour ces choses de Paris je dirai quand elle sera morte” ; “Au sujet de ces petits bleus retrouvés (mais il faudra parler au moins d’un en son temps)” [51] . Il y a, par ailleurs, des notes qui informent sur l’organisation temporelle ou thématique de la fiction. Les “preuves” romanesques doivent être ordonnées : “Je retrouvai le mot qu’elle m’avait écrit pour me dire qu’elle viendrait après le théâtre, le jour de la soirée chez les Guermantes *(si je ne peux pas trouver de meilleure lettre)*” [52] . Comme le flux de la pensée et de l’écriture ne doit pas être interrompu, le facteur ordonnateur des indications intervient pour rappeler des références à introduire : “Quand je sonnais *(Esther quelque part)*”, ou pour établir des repères bibliographiques d’usage interne : “voir petit Cahier homme je crois” [53] . (Il s’agit, conformément aux notes de la Pléiade, d’un des Carnets-agendas qui portent sur sa couverture une silhouette masculine.)

On fait plusieurs fois allusion au rêve dans les Esquisses, mais dans le Cahier de brouillons 53 Proust introduit une dialectique de la réalité et de l’imaginaire dans les rapports du “je” narratif et d’Albertine. Les idées avancées ici semblent être la toute première variante écrite des pensées proustiennes, un brainstorming auquel répondent à la fois écrivain et narrateur. Encore une fois, le “je” est indécidable, ou plutôt les deux “je” se parlent de nouveau. C’est, en tout cas, une des rares occasions dans les Esquisses où le dialogue est à ce point discursif. Nous n’avons plus affaire à des notes disparates ou de brèves indications, mais nous suivons tout un raisonnement sur la possibilité d’être d’un texte littéraire. Il y a ici le degré zéro de l’écriture proustienne, le niveau où s’articule la pensée. Les raccourcis et l’apparente incohérence stylistique témoignent par ailleurs de la nature toute primaire de cette écriture. Le lecteur assiste à la naissance d’un épisode proustien et apprend sur la relation problématique entre Marcel et Albertine :

Il faudra marquer ceci qui est capital. Q d je ne connais pas Albertine elle est pour moi un rêve, quelque chose d’immense ; quand je la connais cela se réduit à presque rien. C’était cela, ces rêves ! (je n’ai pas écrit cela, l’écrire). Q d elle s’en va tout d’un coup les rêves se reforment mais sous forme douloureuse comme de l’acide lysique en un rhumatisme qui ne vous quitte plus. Il faudra aussi que le fait que je l’imagine toujours avec ses amies, donc quelque chose d’artistique, d’ambigu que j’associe je ne sais pourquoi à La Nuit des rois, au charme qu’elle a pour moi. Quand je pense à leur âme une pensée vulgaire, la mémoire habituelle de nos querelles et elle n’est rien. Quand je viens de relire La Nuit des rois, que je pense que c’était elle Viola me servant, jouant du pianola, alors ma faculté d’aimer est libérée, s’exerce et je l’adore. De sorte qu’on peut aimer un être qu’à condition de penser à quelqu’un d’autre que lui. [54]

L’écriture précède l’intention de l’écrivain. Elle a une vie propre qui guide l’enchaînement des récits. L’écriture ne respecte pas un ordre, ni même celui de la fiction – c’est là le rôle des didascalies. Les généticiens parlent, par conséquent, d’une préécriture.

Capital. Il y a deux idées que je n’oublierai pas dans ce livre et que peut-être je mettrai dans cette partie, oui, cela expliquera le départ d’Albertine, pour les rapports de moi avec Albertine. La première se rapporte forcément à moi (je vois que je fonds les deux et ce n’est pas mal ainsi, cela explique les départs d’Albertine). [55]

Le texte proustien préexiste à son positionnement dans le livre, il a sa propre raison d’être, indépendante de son utilité ou d’une justification narrative et logique. Le devoir de l’écrivain est celui d’un ordonnateur et une de ses tâches et d’imaginer un contexte plausible où le texte, préécrit, puisse s’intégrer :

“*A propos d’un monsieur dont je ne me rappelle pas s’il a fini ou non par épouser Mme X et qui il a épousé (tâcher que ce soit un personnage du livre et que le projet de mariage ait été ébauché en son temps) je dirai :* A l’âge où dans la mémoire tous les souvenirs sont devenus homogènes…[…]”[56] .

Des phrases disparates constituent soit des ajouts aux descriptions de certains personnages, soit des compléments au traitement de certains thèmes, sont introduits par des rappels comme : “Pour Vinteuil dans le second volume” ; “Vinteuil encore” ; “Pour musique” ; “Sur M. de Charlus” [57] . Il y a des indications qui permettent de parfaire la personnalité de certains personnages : “Il faudra que M. de Charlus, très artiste, connaisse la musique de Vinteuil et en parle bien, jolis mots à la Montesquiou ou à mme Daudet” [58] . Tout cet effort de mettre en perspective des textes qui préexistent à la structure romanesque et à l’enchaînement narratif suggère le fait que la Recherche du temps perdu est, avant tout, la recherche d’un roman, objet qui est postérieur à l’écriture, mais pas nécessairement plus évolué qu’elle.

Dans plusieurs Esquisses du Temps retrouvé, l’écrivain explicite sa stratégie narrative ayant l’air d’avoir compris la révélation du narrateur dans la bibliothèque de Guermantes :

*Capitalissime au point de vue composition du livre : quand je parlerai de l’irréalité de ce qui n’est pas l’esprit, je dirai :* l’étude de l’inversion ne m’en avait-elle pas présenté dans la vie contemporaine une preuve et qui sans cela reste le phénomène inexplicable qu’elle est pour beaucoup ? *(C’est capitalissime pour expliquer pourquoi tant de place donnée à l’inversion et peut-être déjà dire en son temps un peu ce genre d’intérêt)* [59] .

Inscrites dans le temps et l’espace de l’écriture comme dans le temps et l’espace de la fiction, les didascalies proustiennes sont d’abord des outils nécessaires à l’écrivain au travail. Encore très peu étudiées, elles constituent aussi des mini chefs-d’oeuvre dans la tradition de l’écriture fragmentaire (voir Blanchot ou Cioran), repliée sur soi et constamment interrogative de tout. Mais l’importance cruciale qu’il faudrait reconnaître aux injonctions de Proust est donnée - grâce aux rapports complexes écrivain/narrateur, écrivain/lecteur, réalité/fiction – par la cristallisation unique, dans les Esquisses de la Recherche du temps perdu, d’un processus littéraire fondamental : la pensée de l’écriture.

Notes

[1] PROUST, Marcel. A la recherche du temps perdu. Paris. Gallimard, Coll. Pléiade, 4 tomes, 1987-1989 : 946. Toutes les références ultérieures porteront sur cette édition en précisant le numéro du tome. Retour

[2] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 950 Retour

[3] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 944 Retour

[4] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 947 Retour

[5] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 15 Retour

[6] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 946 Retour

[7] Ibid. Retour

[8] Ibid. Retour

[9] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 63 Retour

[10] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 356 Retour

[11] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 954 Retour

[12] Encore une fois “capitalissime” : “[…] ajouter à cela dans l’énumération sur les tantes” : “à eux *(si c’est dans une phrase incidente dire pour qui)* les romans d’aventure les plus invraisemblables semblent vrais, car dans leur vie, comme dans ces romans, l’ambassadeur est ami du forçat et le prince, sortant de chez la duchesse, avant de rentrer chez sa femme va conférer un instant avec l’apache”. PROUST, 1987-1989, tome 3 : 951-952 Retour

[13] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 954 Retour

[14] GRÉSILLON, Almuth, LEBRAVE, Jean-Louis, VIOLLET, Catherine Proust à la lettre. Les intermittences de l’écriture. Tusson. Du Lérot, 1990 Retour

[15] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 970 Retour

[16] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 947 Retour

[17] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 999 Retour

[18] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 981 Retour

[19] L’expression est de Proust, citée dans A.Grésillon, J.-L. Lebrave, C.Viollet, op.cit. : 133 Retour

[20] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 969 Retour

[21] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 976 Retour

[22] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1165 Retour

[23] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 851 Retour

[24] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 632 Retour

[25] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1015 Retour

[26] Ibid. Retour

[27] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1132 Retour

[28] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 847 Retour

[29] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1134 Retour

[30] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1135 Retour

[31] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1016 Retour

[32] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1054 Retour

[33] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1069 Retour

[34] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1070 Retour

[35] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1071 Retour

[36] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1108 Retour

[37] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1042 Retour

[38] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 729 Retour

[39] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 766-767 Retour

[40] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 849 Retour

[41] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1015 Retour

[42] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1082 Retour

[43] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 986 Retour

[44] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1052-1053 Retour

[45] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1084 Retour

[46] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1126 Retour

[47] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 906 Retour

[48] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 775 Retour

[49] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 840 Retour

[50] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 914 Retour

[51] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1053 Retour

[52] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1054 Retour

[53] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1098 Retour

[54] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1109-1110 Retour

[55] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1120 Retour

[56] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 873 Retour

[57] PROUST, 1987-1989, tome 4 : 635 Retour

[58] PROUST, 1987-1989, tome 3 : 1150 Retour

[59]Retour

Bibliographie

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COHN, Dorrit-Claire. Transparent Minds : narrative modes for presenting consciousness in fiction. Princeton University Press, 1978

COMPAGNON, Antoine. Sodome et Gomorrhe. Notice. In PROUST, op.cit., tome 3: 1185-1261

GRÉSILLON, Almouth. “Still Lost Time : Already the Text of the Recherche”. In DEPPMAN, Jed, FERRER, Daniel, GRODEN, Michael. Genetic Criticism: Texts and Avant-Textes. Philadelphia. University of Pennsylvania Press, 2004 : 152-170

GRÉSILLON, Almouth, LEBRAVE, Jean-Louis, VIOLLET, Catherine. Proust à la lettre. Les intermittences de l’écriture. Du Lérot. Tusson, 1990

PROUST, Marcel. A la recherche du temps perdu. Paris. Gallimard, Coll. “Pléiade”, 4 vol., 1987-1989

REY, Pierre-Louis, ROGERS, Brian. Le Temps retrouvé. Notice. In PROUST, op.cit., tome 4: 1146-1175

ROBERT, Pierre-Edmond. La Prisonnière. Notice. In PROUST, op.cit., tome 3 : 1628-1693