Chili : Littérature de jeunesse Initiation à la lecture et transmission du folklore aux enfants dans les récits courts de Floridor Pérez Lavín

N.B : Dans le souci de rendre accessible cet article aux non- hispanophones, les citations, les titres des ouvrages et articles cités sont traduits en français (les titres en langue originale figurent dans la bibliographie).

Justification d’une démarche

En autorisant le franchissement d’une passerelle à la fois géographique et temporelle qui permette une comparaison productive loin de toute incongruité, il est possible de mettre en parallèle le projet littéraire de Charles Perrault avec celui de Floridor Pérez Lavín. En France, les contes de Charles Perrault sont traditionnellement lus par les jeunes enfants et il faut rappeler le rôle que joue cet auteur dans la littérature française du XVIIe siècle car il est celui qui met en littérature « écrite » les contes oraux des campagnes françaises qui acquièrent ainsi un nouveau statut, celui de « littérature noble », tout en les accommodant à l’esprit de son époque. De la même manière, Floridor Pérez Lavín, auteur de littérature pour la jeunesse, élabore des recueils de récits traditionnels, en fonction de l’objectif escompté, la transmission d’un patrimoine écrit et oral aux enfants, dans le contexte socio- économique bien différent, il est vrai, de l’expansion de la « culture de masse » au Chili, qui implique la mise en place d’une stratégie littéraire et pédagogique bien plus complexe.

Introduction

Floridor Pérez Lavín est né dans le sud du Chili, dans le Golfe de Reloncaví en 1937. Il exerce successivement la profession d’instituteur rural, de professeur des collèges et lycées, puis de professeur d’Université à Santiago du Chili. Il est notamment l’auteur d’une adaptation moderne du Poème de mon Cid (1976), œuvre anonyme espagnole du XIIe siècle. Animateur de cercles littéraires, il participe en outre au développement des ouvrages pédagogiques tant à l’attention des élèves de cours élémentaire pour l’apprentissage de la lecture, que des lycéens préparant les épreuves de Castillan de leur « baccalauréat ». Il publie également des articles dans la section Castillan de l’Encyclopédie Scolaire du journal Le Mercure (IBACACHE I., C. R. « Floridor Pérez Lavín », Journal Las Noticias, Victoria, Chili, 19/04/1995, p.2.)

S’il a dirigé l’ « Atelier de Poésie » de la Fondation Pablo Neruda et composé des recueils de poèmes, dont Pour savoir et chanter (1965) et Mémoires d’un condamné à t’aimer (1993) adressés à un public adulte, ce poète de la génération dite des « années 1970 » ((sans auteur). « Actividades de aniversario de los Ángeles. Cuatro poetas amenizarán tertulia literaria », La Tribuna, Los Ángeles, 24/04/1999, p.10), promeut également sa poésie auprès des enfants et des jeunes adolescents. Il compose ainsi dès 1973 un recueil spécialement dédié à la jeunesse qu’il n’a de cesse d’améliorer et dont le titre varie à chaque réédition : Cielographie du Chili (1973), Cielographie du Chili. Poésie pour les enfants également (1987), Cielographie et cabotages (2000). Floridor Pérez Lavín est à l’origine du premier « Récital de Poésie » pour enfants organisé au Chili, en 1990, durant lequel il donne lecture de la dernière version de ce recueil (LAGOS HERRERA, I. « Floridor Pérez y su poesía para niños » [« Floridor Pérez et sa poésie pour les enfants »], La Tribuna, Los ángeles, Chili, 19/11/1990, p.12). Fort du succès de cette manifestation poétique, il multiplie depuis les lectures publiques de ses œuvres aux enfants et adolescents lors de manifestations littéraires, comme à Chillán, en 1998, lors de la seconde « Foire du Livre » et dans plusieurs capitales d’Amérique latine. Lauréat d’une « Bourse d’Auteur en Résidence » de la prestigieuse Fondation Andes en 1990, il effectue la même année une tournée de conférences universitaires en Suède. Au programme dans les écoles primaires chiliennes, les récits et les poèmes de Floridor Pérez Lavín sont lus et commentés en classe.

L’aspect du travail littéraire de Floridor Pérez Lavín, analysé ici, relève à la fois de la transcription d’une matière orale collectée lors d’entrevues avec des habitants en Province ou lors des programmes pédagogiques impliquant les enfants, et de l’adaptation, à leur attention, des récits traditionnels déjà mis par écrit dans des anthologies. Floridor Pérez Lavín remanie également des contes originaires d’Europe comme ceux dans lesquels évoluent des rois, des princes et princesses, mais notre étude ne porte que sur les récits folkloriques chiliens. Il est à noter que chaque spécialiste du « folklore » d’une communauté particulière revendique sa propre définition de la notion de « folklore ». Selon le Dictionnaire Alphabétique et Analogique de la Langue française Le Robert (Paris, 1970), qui est retenue pour cet article, le terme « folklore » est « un emprunt à l’anglais folk- lore, science (lore) du peuple (folk) (1877) » qui désigne l’ensemble des manifestations culturelles vivantes d’une communauté donnée. Les termes « tradition » et « folklore » sont employés comme synonymes dans cet article.

Cette étude précise donc dans quelle mesure Floridor Pérez Lavín appartient à la lignée des spécialistes du folklore chilien tout en spécifiant l’originalité de son travail, à la fois de mise en écriture des sources orales, et de remaniement des récits écrits. Puis, il explicite le travail d’adaptation thématique et linguistique des récits élaboré en fonction des nouvelles conditions de vie et des attentes de ce jeune lectorat car il se pose comme le « médiateur » entre la « tradition » et les enfants. Cet article précise enfin la méthode pédagogique appliquée en classe par Floridor Pérez Lavín qui fait de ses élèves les collecteurs des récits oraux. Le succès de cette méthode se vérifiant au niveau national, d’autres exemples seront également présentés.

I. Floridor Pérez Lavín et la lignée des folkloristes chiliens

Floridor Pérez Lavín est « folkloriste », c’est-à-dire un spécialiste du folklore comme sujet d’étude mais il n’est pas un auteur de récits « folkloriques ». Cette nuance a toute son importance et il s’en explique de manière péremptoire grâce à l’expression négative « Personne dans le monde »

Personne dans le monde n’écrit de textes folkloriques. Les textes folkloriques ne s’écrivent pas, les textes folkloriques se sont engendrés lentement par nécessité, nécessité spirituelle […], comme bien spirituel de cette forme de vie traditionnelle. Et ce que je fais est assumer la réalité qu’il existe une littérature orale […], [qu’]il y a une créativité, un art linguistique, traditionnel, folklorique et ce que je fais c’est cela, c’est le collecter et le mettre par écrit.[1]

Floridor Pérez Lavín compte parmi les folkloristes chiliens de la seconde moitié du XXe et de la première moitié du XXIe siècle tels que Mariano Latorre, Fernando Emmerich, Erwin Haverbeck Ojeda et Oreste Plath. Il se distingue cependant de ces derniers par sa méthode de travail et le jeune public auquel il dédie ses recueils de récits courts. Il convient donc de présenter tout d’abord ces différents auteurs pour mieux examiner les spécificités du travail littéraire de Floridor Pérez Lavín.

Mariano Latorre, professeur à l’Université du Bío Bío dans le Sud du Chili, est à la fois spécialiste du folklore et écrivain « criolliste » (« criollista »). Il remanie dans ses récits destinés aux adultes les « thèmes d’enracinement national » (« los temas de raíz nacional ») (UNIVERSITé DU BíO BíO. « Chronologie de Mariano Latorre », www.ubiobio.cl/ebb/latorre/cronologia.htm). Pendant une grande moitié du XXe siècle, le travail de recherche et d’exploration des thèmes « criollistes » se poursuit et se diversifie parce qu’il est un moyen de mettre en littérature ce qui fait l’identité des Chiliens, quel que soit leur région ou leur milieu social. Le « Criollisme » fédère de très nombreux écrivains qui se spécialisent sur une thématique. Ainsi, Hugo Montes et Julio Orlandi identifient plusieurs types de « criollismes » dont « le criollisme rural et paysager » (« el criollismo rural y paisajista ») représenté par Mariano Latorre (MONTES, H. & ORLANDI, H. Histoire de la Littérature chilienne, Santiago du Chili, Editorial du Pacifique S.A, 1956, pp.211-266). La consultation du recueil de Mariano Latorre intitulé Chili, Pays de recoins (1955) est indispensable pour toute étude du folklore chilien.

Le folkloriste Fernando Emmerich met en recueil des récits oraux dont il précise le mode de lecture et d’analyse. Dans le « Prologue » de Légendes chiliennes (1982), Fernando Emmerich souligne la variété des circonstances de la création des mythes et des légendes amérindiennes ainsi que leur évolution pendant la colonisation espagnole « au contact des conquistadors » (EMMERICH, F. Légendes chiliennes, Santiago du Chili, Editorial Andrés Bello, 1982, p.7)

Erwin Haverbeck Ojeda, professeur à l’Université Australe du Chili de Valdivia (Sud du Chili), dirige pendant trois ans une mission de collecte des récits oraux de l’île de Chiloé. Un échantillon représentatif de l’ensemble des catégories de récits oraux recueillis pour enfants et adultes, est publié sous le titre Quand Dieu marcha à travers le monde (1994). Oreste Plath est l’auteur d’une collection d’ouvrages thématiques détaillant chacun des aspects du folklore chilien. L’idéal qu’il poursuit est la recherche des sources et la quête de l’exactitude de versions premières des récits traditionnels. Comme dans le recueil composé par Erwin Haverbeck Ojeda, dans Géographie du mythe et de la légende chiliens (2002) d’Oreste Plath, des récits oraux pour les enfants et pour les adultes sont présentés, comparés et analysés.

Même si Erwin Haverbeck Ojeda et Oreste Plath font état des récits oraux destinés aux enfants, force est de constater que très peu de folkloristes leur ont dédié un recueil à part entière avec une visée pédagogique adaptée à leur âge. C’est précisément au manque de compilations du patrimoine oral chilien à destination des enfants que Floridor Pérez Lavín, poète « criolliste » par l’importance qu’ont les descriptions des terres chiliennes dans ses poèmes et « folkloriste » pour ce qui concerne ses récits courts, s’est proposé de répondre, en appliquant une méthode simple et exigeante, en prenant appui sur un recueil de contes traditionnels pour enfants publié au début du XXe siècle, intitulé Sélection de contes pour enfants de R. Saavedra Gómez & B. Ibañez (1933)(SAAVEDRA GOMEZ R. & B. IBAñEZ, Selección de cuentos para niños, Santiago du Chili, Imprimerie El Esfuerzo, 1933). Cette méthode repose sur l’écoute objective des récits oraux et sur leur mise en écriture sans avoir d’opinion prédéfinie :

Non, je ne me suis pas posé ce genre de problème ni aucun autre problème théorique vu que je prends exactement le texte conservé par la tradition et que je le conte par écrit de manière que, s’il y a un sujet défini dans le récit traditionnel oral, sans aucun doute celui- ci est [présent] dans les récits que je transcris par écrit.
Avoir cette opinion sur le sujet que j’écris est la préoccupation des critiques et des théoriciens. […] Et si [quelqu’un] me demande si j’ai une opinion sur le sujet qui m’a été conté, je n’en ai pas ou si j’en ai une, cela ne doit pas interférer dans ma translation du langage et de ce que la tradition [raconte]. [2]

Floridor Pérez Lavín met donc en écriture les récits qu’il recueille sans préjugé car il n’est ni un critique littéraire ni un théoricien de la Littérature. Il poursuit l’analyse de sa démarche de compilation des sources orales en expliquant le danger que représenterait, selon lui, l’édification d’une théorie au préalable puisque chaque récit oral, conté par un narrateur, doit être considéré comme une des variantes possibles de ce récit :

Plus encore, je pense qu’avoir une opinion définie au préalable pourrait m’être préjudiciable, comme cela se passe avec les gens de la ville qui vont à la campagne […] [et] avec beaucoup de théoriciens du folklore quand ils croient qu’ils sont fidèles à la tradition en s’attachant à un texte qu’un jour, […] ils ont trouvé, dans certaines circonstances, alors qu’au même moment, une autre personne, un autre paysan aurait pu raconter cette même histoire, d’une autre manière, dans un autre langage, dans un autre lieu. [3]

Floridor Pérez Lavín justifie son point de vue ainsi que sa démarche de prospection et de mise en écriture des récits oraux en soulignant l’ambiguïté qui existe dans la signification du terme « folklore » :

Ce qui se passe avec ces opinions des critiques est que le même mot « folklore » s’emploie pour [désigner] la science qui l’étudie et pour les faits culturels, traditionnels ou folkloriques qui correspondent à une manière de vivre. Les études scientifiques sur le folklore ne font pas partie de mon champ d’étude. Cela m’intéresse en temps que lecteur mais […] cela n’est pas mon domaine. [4]

Le rôle de Floridor Pérez Lavín est d’être le dépositaire et le transmetteur, aux générations futures, d’une certaine manière de vivre traditionnelle bien vivante qu’il lui a été donné d’observer :

Mon domaine d’intérêt se réduit à la constatation, à la connaissance et à la transmission de faits culturels de cette culture folklorique ou traditionnelle qui peuvent se traduire par des biens matériels ou spirituels. […] Moi j’interviens seulement au niveau de ce que traduit le langage, […] de ce qui constitue une légende, un mythe, la poésie populaire, les devinettes et aussi la musique folklorique, du moins pour ce qui concerne son texte linguistique […]. Pour autant, il ne convient pas que je tente [d’établir] des définitions personnelles. Simplement, pour moi, le folklore est une manière de vivre du peuple et les scientifiques se dédieront à classifier ce qui est historique et ce qui est actuel. Pour moi, ne m’intéresse que ce qui est actuel. Et à partir de ce qui est actuel, j’interviens pour essayer [que cela le soit encore] dans les générations futures soumises à des formes de vie, de travail et de culture très différentes des [formes de vie] traditionnelles. [5]

Le deuxième pan du travail littéraire de Floridor Pérez Lavín correspond au remaniement des récits déjà mis en recueil dans le but d’ « [initier] le lecteur à la lecture et en cela réside [ses] versions personnelles qui sont davantage des « re- créations » de mythes et légendes et traditions » ((Sans auteur). « Poeta prepara dos antologías. Floridor Pérez reivindica las tertulias », Journal La Tribuna, Los ángeles, Chili, 16/01/1999, p.10 et LAGOS HERRERA ; 1990 : 12).

Pour effectuer ce travail de « re- création » des textes écrits, un important travail de documentation est indispensable. Des ouvrages de linguistique font partie de sa bibliographie de référence :

[M]es auteurs de référence ont trait aux études du langage et aux manifestations de la littérature folklorique. Le premier […] est Monsieur Rodolfo Lenz, un savant allemand qui vint au Chili à la fin du XIXe siècle et qui, déjà en 1880, commença les études du langage chilien qui composeront son dictionnaire étymologique […] Dictionnaire étymologique des langages chiliens dérivés des langues indigènes américaines. Et cela peut sembler contredire ce que je […] disais que la science du folklore ne m’intéressait pas. Elle m’intéresse pour être informé, pour me documenter et ensuite donner une forme que je crois être convenable à ce que j’écris. Cette connaissance de l’origine de certains mots me permet de clarifier leurs différentes acceptions quand ensuite je les rencontre dans les récits traditionnels […]. [6]

Des ouvrages d’étude du folklore écrits au début du XXe siècle, dont un spécialisé sur l’île de Chiloé, composent également sa bibliothèque de référence :

Un autre auteur fondamental du début du XXe siècle est Julio Vicuña Cifuentes. Dans mes livres, je cite ses Mythes et superstitions recueillis de la tradition orale chilienne. [7] Egalement du début de [ce] siècle, il y a un auteur très important pour moi qui est Francisco J. Cavala. Il est important pour son livre Chiloé et Chilotes. Chiloé […] est la zone géographique du pays où les mythes et les légendes ont le plus perduré jusqu’à aujourd’hui dans la vie quotidienne des nouvelles générations, non comme une lecture curieuse ou intéressante mais comme source de sagesse et de connaissance des habitants. Et en matière plus spécifiquement d’écriture de ces textes, il y a un auteur très important qui est Yolando Pino Saavedra qui les a réunis en trois volumes introuvables dans les librairies d’aujourd’hui, j’en possède un depuis très longtemps : Les contes populaires du Chili. Et à propos de cela, le premier à avoir fixé par écrit des versions de ces contes populaires est Monsieur Ramón Laval (cf. LAVAL, R. Contes chiliens à dormir debout, Santiago du Chili, Editorial Nascimento, 1910). [8]

Floridor Pérez Lavín se définit donc comme un transcripteur fidèle des récits oraux qu’il recueille et comme un remanieur des sources écrites grâce à la consultation d’ouvrages scientifiques de référence parce que l’appellation « littérature de jeunesse » n’exclut pas la nécessité d’une démarche rigoureuse.

Pour assurer la réceptivité de son jeune lectorat à ses recueils de récits traditionnels et encourager leur lecture, Floridor Pérez Lavín a dû établir un constat objectif de l’évolution de leur mode de vie afin d’ajuster les versions des récits traditionnels présents dans ses recueils.

II. Adaptation et adéquation des récits aux attentes du jeune lectorat chilien : travail thématique et linguistique de la langue écrite:

Floridor Pérez Lavín a étudié avec attention la société chilienne avant de donner la forme adéquate aux versions des récits traditionnels présents dans ses recueils. De cette manière, Floridor Pérez Lavín a acquis une vision lucide de l’évolution de la société chilienne.

Il a constaté que cette évolution a eu pour effet d’entraîner la perte progressive de la tradition orale dont il est un des dépositaires :

Le destin de cette tradition orale est de se perdre, si elle n’est peut- être pas d’ors et déjà perdue parce que la tradition orale correspond à une culture rurale et dans ce pays, la population rurale, actuellement, ne dépasse pas quinze pour cent. Et l’analphabétisme qui est le champ de culture du récit oral n’arrive pas à trois, quatre, cinq pour cent. Ainsi, dans les campagnes les plus déshéritées, on lit le journal, on écoute la radio, on regarde la télévision devant laquelle on écoute et lit un langage oral commun à tout le pays ou en d’autres termes, un langage oral commun à tout le pays, qui est celui que j’écris. Si la tradition va se perdre, si l’oralité va se perdre ou va disparaître, c’est l’affaire du destin, des circonstances et je ne peux rien faire à cela. [9]

La mutation de la société chilienne, de la ruralité à l’urbanité, provoque donc la disparition des conditions propices à la circulation des récits oraux ainsi qu’une uniformisation de la langue orale.

écrivain engagé dans la transcription et le remaniement des récits oraux, Floridor Pérez Lavín trouve dans son travail littéraire une solution pour permettre à ces derniers de continuer d’être diffusés en changeant de support, passant de celui de la « parole » à celui du « livre » :

Ce qu’effectivement je peux faire est de traduire la tradition orale écrite naissante. Aujourd’hui, il existe une tradition écrite qui comprend depuis les textes scolaires que les enfants lisent à l’école quand ils sont tout petits, jusqu’aux livres que lisent les adultes. C’est ce que je fais et cela a ce sens-là.[…] [J]’ai pensé que les vieilles personnes vont mourir et que les tout- petits ne vont pas répéter ces traditions parce qu’ils sont venus au village, qu’ils sont venus en ville de telle manière que la seule possibilité qu’a aujourd’hui le récit oral traditionnel chilien [de survivre] est d’être mis en écriture. [10]

Mais Floridor Pérez Lavín ne fige pas pour la postérité les récits traditionnels car ils évoluent avec la société et la transformation de son environnement naturel immédiat due au développement des moyens de communication qui ont désenclavé les campagnes :

[E]n introduction à ce thème, je […] dirais qu’il est nécessaire de prendre en considération que le récit traditionnel n’a jamais été statique, il n’a jamais été immobile. Avant le XXe siècle, il n’était déjà plus le même parce qu’imagin[ez], quand arriva 1880- 1891, le train traversa la capitale de la zone centrale de mon pays vers le sud. Il traversa des campagnes, des campagnes absolument rurales. A partir de cette expérience du train, cette machine de vapeur est entrée dans les récits populaires que les grands- parents contaient au début du XXe siècle.[11]

Les récits folkloriques, comme démontré précédemment, font partie de traditions bien vivantes et le fait qu’elles tendent à disparaître justifie la démarche de Floridor Pérez Lavín. Pour rencontrer le succès escompté, il doit user d’une série de techniques littéraires pour rendre accessibles ces récits aux jeunes lecteurs d’aujourd’hui. Ainsi, Floridor Pérez Lavín doit effectuer un travail linguistique afin de choisir le vocabulaire en adéquation à la configuration géographique et culturelle du Chili, dans le souci de créer des versions de récits oraux qui soient compréhensibles dans tout le pays :

[…] J’entends que la mission de l’écrivain intéressé par ces thèmes est de fournir aux nouvelles générations, qui appartiennent à une culture écrite, non à une culture orale, ces thèmes sous forme écrite également, et c’est ce que je fais. Ce qui se passe […] [est] que je vis dans un pays qui mesure 4200 kilomètres du nord au sud […] et le langage oral […] est local, régional au sein d’une communauté et dans une autre la même langue se parle d’une manière très différente. Pour autant, en transcrivant mon récit par le biais de mon écriture, […], j’écris simplement dans une langue chilienne, l’espagnol parlé au Chili qui se comprenne de la même manière par un habitant du Nord ou un lecteur du Sud. Je parle et j’écris la langue espagnole parlée dans le Chili d’aujourd’hui.[12]

Pour reprendre à notre compte l’expression même de l’auteur, Floridor Pérez doit être un créateur de « ponts » entre la littérature et la jeunesse. En quelque sorte, si la jeunesse ne vient pas à la Littérature, Floridor Pérez Lavín vient à elle pour que les liens perdus ou inexistants s’établissent (GOMEZ LOPEZ, R. « Floridor Pérez : poeta lúcido, lúdico y lárico », Revue trimestrielle Rayentrú. Littérature chilienne, Santiago du Chili, n°2, 05/07/1993, pp.2-4). Selon sa démarche pédagogique globale qui essaie de relever le défi de réconcilier les jeunes générations habituées à la technologie de l’image, avec les deux pans de la littérature que sont la prose et la Poésie, Floridor Pérez Lavín recherche des passerelles susceptibles de les intéresser comme le rapprochement étonnant du Sport et de la Poésie, qui a fait l’objet d’une anthologie de poèmes parue en 2003, sous le titre Poésie chilienne du sport et des jeux : du XVIe au XXI siècle.

Seule l’observation attentive des habitudes des enfants lui permet en effet d’ajuster l’écriture et les thèmes de ses recueils à leurs centres d’intérêt. Cette observation doit être la plus objective possible car en dépend la bonne analyse de son jeune lectorat et donc le succès de ses recueils auprès de celui- ci, d’autant plus lorsqu’il s’agit de l’adaptation de récits appartenant à la tradition. Floridor Pérez Lavín réalise pour ce faire un projet dans le cadre de sa « Bourse d’auteur en résidence » (1990) qu’il a intitulé « Conversations Littéraires avec la génération de l’image » (GOMEZ LOPEZ ; 1993 : 2-4) et qui comprend des rencontres avec des élèves de primaire dans le sud du territoire chilien.

Grâce au bilan de ce projet, Floridor Pérez Lavín adapte sa technique d’écriture en fonction de son jeune lectorat en adoptant : « un langage actuel et un style d’écriture qui soient attrayants pour le lecteur d’aujourd’hui qui est en prise avec le monde des communications, de l’image comme celui de la télévision et avec la littérature écrite » [13].

Il s’attache aussi à bien choisir l’accommodement thématique qu’il est nécessaire d’apporter aux récits courts :

En les contant à nouveau [les récits traditionnels] pour le lecteur d’aujourd’hui, je sais qu’il ne va pas les écouter à côté du foyer mais qu’il va les lire en face du téléviseur. J’ai énormément conversé avec cette génération de l’image qui a beaucoup influé sur mes versions. (PéREZ LAVíN, F. Contes de toujours pour les enfants d’aujourd’hui, Santiago du Chili, Editions Zig Zag, 2000, p.8.)
[…]Par respect envers la tradition, ces versions littéraires conservent le noyau central du thème. Par affection pour le lecteur actuel, l’auteur abandonne le « noir et blanc » des vieilles versions, « il les met en couleurs », il change des personnages, il engage des « extras », il coupe des scènes, il ajoute des caméras avec d’autres points de vue, il essaie de nouveaux « effets spéciaux ». Enfin, il bouge tous les ornements de son récit pour que le […] lecteur allume son imagination et donne vie aux images qui dorment dans ces pages. » (PéREZ LAVíN. Contes ; 2000 : p.10.)

Ainsi, Floridor Pérez Lavín offre aux récits fixés par écrit par d’autres spécialistes du folklore, une sorte de « rajeunissement », de « remise au goût du jour » qui loin d’être négatifs, reproduisent en réalité les effets de l’évolution qu’ils auraient pu connaître s’ils avaient poursuivi leur évolution dans un contexte d’oralité.

La tradition des contes oraux se perdant, Floridor Pérez Lavín insère dans l’introduction de ses recueils une sorte de « mode d’emploi » qui présente, de manière attrayante, le contenu des récits traditionnels avec des expressions et des thématiques d’aujourd’hui, susceptibles de retenir l’attention du jeune lecteur. Par exemple, dans l’Introduction du recueil Mythes et légendes du Chili, Floridor Pérez Lavín présente les récits traditionnels en exploitant les thèmes contemporains de l’Ecologie et de la préservation des espèces animales :

I.Espèces en danger d’apparition

[…] Préservons le lama et la vigogne—disent [les écologistes]--, le mélèze et le palmier chilien [et] le chinchilla des Andes […]. Mais préservons également—je l’affirme— ces espèces fabuleuses qui peuplent le mythe. Elles seront en constant danger d’apparition en tournant ces pages. Dans ce livre il y a des oiseaux qui ne volent pas et des gens qui savent voler ; des petits hommes difformes se cachent dans la forêt […]; des animaux monstrueux changent le cours des fleuves et des bateaux fantômes naviguent sur la mer. Ce sont les mythes.» (PéREZ LAVíN, F. Mythes et légendes du Chili, Santiago du Chili, Editions Zig Zag, 2001, p.7).

Les « introductions- modes d’emploi » des recueils de récits folkloriques de Floridor Pérez Lavín sont le plus souvent adressées aux enfants mais également aux adultes, comme c’est le cas de l’Introduction du recueil Contes du Chili (deuxième série), (PéREZ LAVíN, F. Cuentos de Chile (Segunda serie), Santiago du Chili, Editions Zig Zag, Collection « Biblioteca de obras escogidas Zig-Zag », 1995), intitulée « Lettre de présentation ». Cette lettre divisée en deux parties : « I. Cher enfant » et « II. Chers professeurs et parents » est un procédé très original d’implication du compilateur dans la lecture de son jeune lectorat. Dans la seconde partie, Floridor Pérez Lavín explique de manière plus détaillée le contenu du recueil. Il y justifie ses choix ainsi que la variété des niveaux de complexité des textes retenus. Enfin, Floridor Pérez Lavín propose une méthode progressive d’apprentissage de la lecture à partir du rétablissement du lien entre la maison et l’école grâce aux récits traditionnels :

La maison et l’école ont quelque chose à voir dans l’éloignement enfant- livre, et quelque chose à faire dans son rapprochement. Les contes populaires, qui forment la seconde partie de cette anthologie, nous paraissent un lien effectif avec la tradition et une source intarissable de grâce et de plaisir, de divertissement, sans laquelle jamais nous ne créerons d’habitude de lecture, qui est le goût pour lire : racontons des contes aux enfants du CP au CE1 ; lisons-en à ceux de CE1 ou CE2 ; demandons à ceux de CE2 ou de CM1 qu’ils nous en lisent. Après il suffit de mettre dans leurs mains des livres intéressants, de langage courant mais soigné, de typographie claire, illustrés avec goût, avec une couverture attrayante et des beaux décors imprimés.Et - comme il arrive si souvent dans les contes - l’habitude de la lecture reviendra « comme par magie ». (PéREZ LAVíN, Contes ; 1995 : 10 -11).

L’application de cette méthode d’enseignement du Castillan permet, selon lui, de favoriser l’engouement des enfants pour la lecture.

La démarche exigeante de Floridor Pérez Lavín, basée sur l’observation des habitudes de son jeune lectorat afin de réduire les barrières entre jeunesse et Littérature, a été associée à la réalisation d’activités pédagogiques dans le même but de raviver l’intérêt de ses élèves pour les récits traditionnels chiliens. Les enseignements de cette expérience fructueuse lui ont ensuite servi pour captiver l’attention des jeunes lecteurs de ses recueils.

III. Un modèle d’activités pédagogiques exploitable : la mise en valeur des récits oraux recueillis par les enfants:

Afin de susciter l’intérêt des élèves pour les récits traditionnels, dans les années 1970, lorsqu’il était instituteur dans le village de Cobarbalá, Floridor Pérez Lavín a réalisé avec eux des activités pédagogiques dont un échantillon des récits recueillis figure en dernière partie du recueil Mythes et légendes du Chili (2001). Depuis, ces activités sont menées dans les écoles chiliennes sous forme de « Programmes de valorisation de la lecture », aboutissant à la création de recueils de récits folkloriques qui serviront de matériel de lecture en cours de castillan.

Dans le dernier chapitre de Mythes et légendes du Chili, intitulé « Traditions et cas légendaires » se trouvent des récits oraux contés par les élèves à Floridor Pérez Lavín qui les a ensuite transcrits par écrit, dans le cadre d’un « devoir de Castillan » (PéREZ LAVíN, Mythes ; 2001 : 69). La consigne donnée par Floridor Pérez Lavín à ses élèves était de demander à leurs parents et grands- parents de leur raconter des faits locaux survenus il y a longtemps.

Dans ce chapitre, Floridor Pérez Lavín mentionne explicitement le travail de narration des récits oraux accompli par ses élèves, ce qui contribue à le valoriser. Le mode de collection des traditions et cas légendaires est en effet explicité dans l’introduction du recueil et en note de la page où figure le titre du chapitre correspondant. De plus, le nom des jeunes narrateurs ainsi que leur classe sont précisés à la fin de chaque récit.

En 1977, le travail de collection des récits oraux des élèves de Floridor Pérez Lavín a été récompensé par « le premier prix du Concours National organisé par le journal Les Dernières Nouvelles de Santiago » (PéREZ LAVíN, Mythes ; 2001 : 69).

Floridor Pérez Lavín a donc publié les traditions et cas légendaires relatés par ses élèves au même titre que les récits oraux que lui ont contés des narrateurs adultes qu’il est possible de lire dans les deux premiers chapitres du recueil Mythes et légendes du Chili. La nature de l’ensemble des récits (mythes, légendes, traditions et cas légendaires) est précisée en introduction et fait l’objet d’un chapitre particulier.

Aussi ce procédé permet-il de remettre à l’honneur l’échange de ces récits traditionnels auprès des enfants, comme en témoigne l’apostrophe que lance Floridor Pérez Lavín à ses lecteurs en fin d’introduction :

Qu’ils soient [les récits] un salut à mes anciens élèves et mes nouveaux lecteurs, représentants d’un Chili qui change et demeure. Et n’est-ce pas cela la tradition ? (PéREZ LAVíN, Mythes ; 2001 : 9).

Le choix d’amener les enfants à la lecture par une participation active à la compilation des récits oraux est d’ailleurs une des recommandations émises par la poétesse et auteur de récits pour enfants, Gabriela Mistral, également prix Nobel de Littérature, dont un récit est présent dans la compilation de récits courts Contes de toujours pour enfants d’aujourd’hui publié en 2000 : « La première lecture des enfants doit être celle qui se rapproche le plus possible du récit oral, de celui qui se transmet, c’est- à- dire les contes de grand- mères et les faits locaux » (PéREZ LAVíN, Mythes, 2001: 9).

La méthode employée par Floridor Pérez Lavín a jusqu’à aujourd’hui prouvé son efficacité dans de nombreux établissements scolaires à travers le Chili. Le principe est exactement le même : les élèves sont amenés à collecter des récits oraux nés dans leur environnement immédiat, dans le cadre de devoirs à faire à la maison pour le cours de Castillan. Leur implication est la garante de la réussite du projet de revalorisation de la lecture personnelle et du regain d’intérêt pour les récits oraux, tout en suscitant des échanges entre les générations. Ainsi sont relancées les versions des contes oraux que les enfants racontent à leur instituteur qui a lui-même la charge de les mettre en écriture ; ce qui met en valeur le travail de recherche, d’écoute et de mémorisation des enfants.

Cette méthode repose sur une réalité : les multiples versions des récits transparaissent dans ce que racontent les enfants. Par exemple, sur le terrain, un chercheur peut recueillir auprès d’eux différentes versions de la légende d’une jeune inca, nommée Ipla, qui recouvrit la vue grâce aux propriétés de l’eau d’une des sources d’un village thermal du pré- altiplano chilien. Chaque enfant connaît la légende fondatrice de son village qui a donné son nom au quartier historique et thermal d’« Ipla, la petite fille de mes yeux » (Ipla, la niña de mis ojos). Ainsi, même si des folkloristes comme Oreste Plath ont déjà transcrit par écrit cette légende, celle- ci continue-t-elle de vivre puisque chaque famille en raconte une variante à ses enfants.

Mais les modes de vie s’uniformisant, les instituteurs et directeurs d’écoles rurales font le constat de la perte d’intérêt de leurs élèves pour les légendes et traditions locales. C’est pourquoi cette méthode est reprise au niveau cantonal ou municipal, sous la forme de « Programmes », comme cela a été le cas dans la petite commune de Ticnamar dans l’Extrême Nord du Chili (Projet d’Amélioration : Proyecto de Mejoramiento). Ce projet, qui vise à encourager les enfants à la lecture, a permis de collecter un important matériel pédagogique, présenté sous la forme d’un recueil de récits oraux classés par catégories littéraires dans lesquelles sont mentionnés les noms des jeunes narrateurs.

La démarche de Floridor Pérez Lavín dont les bénéfices sont exposés précédemment, présente l’avantage de pouvoir être reproduite dans toutes les écoles élémentaires et d’offrir un panorama actualisé du patrimoine oral chilien qui peut également intéresser un lectorat adulte, comme les parents et les grands- parents. Le « mot » recouvre ainsi toute sa fonction, celle de susciter la circulation des récits oraux, les échanges verbaux entre les générations et de donner l’envie, la curiosité de lire aux enfants car ces deux vertus du « mot », selon Floridor Pérez Lavín, sont liées:

Quand les adultes regrettent que les jeunes aient perdu l’habitude de la lecture, ils oublient de dire qu’eux- mêmes ont perdu bien avant l’habitude de conter, qui était une invitation, une tentation, un défi à lire. Parce que la lecture est une habitude culturelle mais elle a été aussi une tradition familiale, aujourd’hui perdue. Il ne se s’agit pas d’un simple changement d’engouements mais de changement de façons de vivre : le mot unissait la famille d’hier devant le foyer, comme le silence la sépare aujourd’hui autour du téléviseur. (PéREZ LAVíN, Contes ; 1995 : 10).

Dans un article du journal La Discussion, le critique littéraire Juan Gabriel Araya G. résume justement les qualités de pédagogue de l’écrivain Floridor Pérez Lavín en rappelant son expérience d’enseignant :

Comme écrivain Floridor Pérez est un homme de pensée pédagogique claire, il a conscience de la valeur du mot dans l’éducation des jeunes chiliens donc il sait unir très bien sa vocation artistique à son expérience, acquise dans l’exercice de ses multiples tâches d’éducateur qui a enseigné dans les écoles publiques, lycées et universités du pays. (ARAYA G., J.G. « El poeta Floridor Pérez », journal La Discussion, Chillán, Chili, 02/09/1998).

Enfin, la Littérature comprenant à la fois des œuvres en prose et en vers, Floridor Pérez Lavín soutient aussi les concours de Poésie, son but étant, comme le souligne I. Lagos Herrera de « former, stimuler la créativité et le plaisir esthétique des plus jeunes » (LAGOS HERRERA ; 1990 : 12).

Conclusion

Le travail de version de Floridor Pérez Lavín, qui permet le passage d’une tradition locale à l’écriture, ainsi que la poursuite de l’évolution de cette tradition quand elle a été déjà transcrite par écrit, assure la transmission du patrimoine oral chilien. Ces défis que tente de relever Floridor Pérez Lavín constituent son originalité d’auteur pour la jeunesse.

Floridor Pérez Lavín, dépositaire des récits traditionnels chiliens, adapte leurs versions en fonction de l’évolution des habitudes de vie et de lecture de son jeune lectorat. Par l’inscription de son travail de re- création, de réécriture, d’actualisation des sources folkloriques dans une démarche pédagogique globale qui a fait ses preuves, Floridor Pérez Lavín démontre que le décloisonnement entre la Littérature et la vie moderne est possible, réaffirmant de manière étonnante le rôle de l’écrivain folkloriste dans la société chilienne. Les recueils de Floridor Pérez Lavín rencontrent en effet un succès constant dans tout le Chili et sont régulièrement réédités par la Maison d’Editions Zig- Zag.

De plus, l’égal succès des concours d’écriture de contes et de Poésie organisés dans les écoles, ainsi que le faible taux d’analphabétisme du Chili, attestent de l’intérêt manifeste des enfants chiliens pour la lecture. Ces mêmes enfants poursuivent très souvent leur travail d’écriture de manière autonome et personnelle. C’est sans nul doute une des raisons qui expliquent pourquoi, en 2008, il existe dans ce pays une nouvelle avant- garde littéraire prolixe, composée de jeunes gens, qui intègre des éléments de ses traditions locales à ses oeuvres, comme ceux qui ont participé à l’anthologie Ombres sous le parapluie. Anthologie de jeune poésie de l’Université des Lacs.

Bibliographie:

Remarques importantes : Afin de rendre accessible cet article aux non- hispanophones, chaque fois qu’il est pertinent de le faire, les titres des ouvrages, des articles, ainsi que les noms des maisons d’éditions et de leurs collections sont traduits en français entre crochets.

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Annexe

En octobre 2002, à l’occasion de la Semaine des Lettres, à Santiago du Chili, Floridor Pérez Lavín a répondu à un questionnaire sur son projet littéraire et pédagogique. Ses réponses, qu’il a lui- même enregistrées sur une cassette audio, sont signalées en fin de citations par un chiffre entre crochets, de [1] à [13], qui renvoie à leur version originale présentée ci-après :

[1] Question : « Estimez-vous que vous écrivez des textes folkloriques ? » :

Luego viene una pregunta muy interesante y curiosa a la vez. […] No, por favor, no. Nadie en el mundo escribe textos folklóricos. Los textos folklóricos no se escriben, los textos folklóricos se produjeron lentamente por necesidad, necesidad espiritual, como te sugerio, como bienes espirituales de esta forma de vida tradicional. Y lo que yo hago es asumir esa realidad, asumir la realidad que existe una literatura oral, tu entenderás que en esto hay una contradicción filológica pero no importa eso, hay una creatividad, un arte lingüístico, tradicional, folklórico y lo que yo hago es eso, es tomar eso y ponerlo por escrito […].

[2] Question : « Avez- vous une opinion, un point de vue défini au sujet des récits que vous écrivez ? » :

No, no me he hecho ese problema ni ninguno otro problema teórico puesto que yo tomo exactamente el texto conservado de la tradición y lo cuento por escrito de manera que si hay un sujeto definido en el relato tradicional oral, sin duda ése está en los relatos que yo transcribo a la escritura. Tener esa opinión sobre el sujeto que escribo es materia de críticos y teóricos. […] Y si [alguién] me pregunt[a] si tengo una opinión sobre el sujeto que me fue dicho, no la tengo o si la tengo, eso no tiene que inferir en mi translado del lenguaje y de lo que la tradición dice.

[3] Suite de la réponse à la question précédente :

Aún más, pienso que tener una opinión definida previamente podría perjudicarme que es lo que le pasa a la gente urbana que va al campo […] [y a] muchos teóricos del folclor cuando creen que son fieles a la tradición apegándose a un texto que en alguna vez, por alguna razón encontraron ellos en circunstancias que en el mismo momento otra persona, otro campesino pudo estar contando esa misma historia de otra manera, en otro lenguaje, en otro lugar.

[4] Suite de la réponse à la question précédente :

Lo que occurre con esas opiniones de los críticos es que la misma palabra « folclor » se usa para la ciencia que lo estudia y para los hechos culturales, tradicionales o folklóricos que corresponden a una forma de vida. Los estudios científicos entorno al folclor no son mi campo. Leo esa materia. Me interesa como lector pero […], esto no es mi campo.

[5] Suite de la réponse à la question précédente :

Mi campo de interés se reduce a la constatación, al conocimiento y a la transmisión de hechos culturales de esa cultura folklórica o tradicional que pueden traducirse en bienes materiales o espirituales. […] [Y]o intervengo sólo en lo que se traduce el lenguaje, en lo que se hace leyenda, mito, poesía popular, adivinanza y también la música folklórica por lo menos de su texto lingüístico […]. Por lo tanto, no corresponde que yo intenté definiciones personales. Simplemente, para mí, el folclor es una forma de vida del pueblo y los científicos se dedicarán a clasificar lo que es histórico y lo que es vigente. A mí solamente me interesa lo que es vigente. Y de eso que es vigente intervengo para tratar de que siga vigente en las nuevas generaciones sometidas a formas de vida, de trabajo y de cultura muy distintas a las tradicionales.

[6] Réponse à la question : « Quels sont vos auteurs de référence ? » :

[M]is autores de referencia tienen que ver con los estudios del lenguaje y de las manifestaciones de la literatura folklórica. El primero […] es Don Rodolfo Lenz, sabio alemán que llegó a Chile a fines del siglo XIX y que ya en 1880, inicia los estudios del lenguaje chileno que formarán parte de su diccionario etimológico […] Diccionario etimológico de las voces chilenas derivadas de lenguas indígenas americanas. Y puede parecer contradecirte con lo que te decía que no me interesa la ciencia del folclor. Me interesa para estar yo documentado, para documentarme yo y luego darle una forma que creo conveniente a lo que escribo. […] Este conocimiento del origen de ciertas palabras me permite tener claro en que sentido están usadas cuando después les encuentro en los relatos tradicionales […].

[7] Suite de la réponse à la question précédente :

Otro autor fundamental de principios del siglo XX es Julio Vicuña Cifuentes. En mis libros yo cito sus Mitos y supersticiones recogidos de la tradición oral chilena (1915). […] .

[8] Suite de la réponse à la question précédente :

« También de principio de siglo, hay un autor muy importante para mí que es Francisco J. Cavala. Es importante por su libro Chiloé y Chilotes. Chiloé […] es la zona geográfica del país donde más han perdurado en la vida diaria de las nuevas generaciones hasta hoy los mitos y leyendas, no como una lectura curiosa o interesante sino como fuente de sabiduría y de conocimiento de los habitantes. Y en materia más espicíficamente de la escritura de estos textos, hay un autor muy importante que es Yolando Pino Saavedra que los reunió en tres volumenes inencontrables en las librerías de hoy, yo tengo uno desde hace mucho tiempo Los cuentos populares de Chile. Y a propósito de ésto, el primero a fijar por escrito versiones de esos cuentos populares es Don Ramón Laval. »

[9] Réponse à la question : « N’avez- vous pas peur que dans quelques années la tradition orale ne se perde, que le sens de ces récits ne soit différent ? » :

El destino de esa tradición oral es perderse, si tal vez ya se ha perdido porque la tradición oral corresponde a una cultura rural y en este país, la población rural, actualmente, no pasa del quince por ciento. […].Y el analfabetismo que es el campo de cultivo del relato oral no llega al tres, al cuatro, al cinco por ciento. Por lo tanto, en los campos más miserables se lee el diario, se escucha la radio, se ve la televisión ante la cual se escucha y se lee el lenguaje oral común a todo el país o sea una, una línea lenguaje oral común en todo el país, que es ese él que yo escribo. Si la tradición se va a perder, si la oralidad se va a perder o va a desaparecer, es cosa del destino, de las circunstancias y yo no puedo hacer nada de eso.

[10] Suite de la réponse à la question précédente :

Lo que yo sí puedo hacer es traducir esa tradición oral a la tradición escrita naciente. Hoy existe una tradición escrita que viene desde los textos escolares que los niños leen cuando son chiquitos a la escuela hasta los libros que leen los mayores. Eso es lo que yo hago y eso el sentido que tiene. […] [Y]o pensé los viejos se van a morir y los chiquillos no van a repetir esas tradiciones porque se vinieron al pueblo, se vinieron a la ciudad de manera que la única posibilidad que hoy día tiene el relato oral tradicional chileno es quedar escrito.

[11] Réponse à la question : « La deuxième question porte sur les relations du récit avec l’environnement naturel. » :

[C]omo una introducción a este tema, yo […] diría que es necesario tomar en cuenta que el relato tradicional nunca ha sido estático, nunca ha sido inmóvil. Antes del siglo XX, ya no era el mismo porque, imagin[a], cuando llegó en 1880- 1891, el tren cruzó de la capital de la zona central de mi país hacia el sur. Atraversó campos, campos absolutamente rurales. A partir de esa experiencia el tren, esta máquina de vapor entró en los relatos populares que los abuelos contaron en los comienzos del siglo XX […].

[12] Réponse à la question : « Quelle est votre technique de transcription des récits courts et des mythes traditionnels ? » :

[E]ntiendo que la misión del escritor interesado en estos temas es entregar a las nuevas generaciones, que pertenecen a una cultura escrita no a una cultura oral, estos temas en forma escrita también y es lo que hago. […] Lo que occurre, como te has dado cuenta, vivo en un país que mide 4200 de kilómetros de norte a sur […] y el lenguaje oral […] es localista, regional entre una comunidad y en otra el mismo idioma se habla de modo muy distinto. Por lo tanto, al fijar mi relato en mi escritura, […], simplemente, yo escribo en un idioma chileno, el español hablado en Chile que sea entendible, que se entienda del mismo modo por un habitante del Norte o un lector del Sur. Hablo y escribo en el idioma español hablado en el Chile de hoy.

[13] Suite de la réponse à la question précédente :

[…] un lenguaje actual y en un estilo de escritura que resulten atrayentes para el lector de hoy que está compitiendo con el mundo de las comunicaciones, de la imagen como él de la televisión y con la literatura escrita.